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07/05/2009

Les arbres pleurent aussi | album d'Irène COHEN-JANCA et Maurizio A. C. QUARELLO

arbres pleurent aussi.gifÉd. Rouergue et Fondation pour la mémoire de la Shoah | mars 2009 | 14 €

Un vieux marronnier rapporte les événements dramatiques qui se sont déroulés sous ses branches, au 263 Canal de l’Empereur à Amsterdam, dès juillet 1942.
Ce bouleversant témoignage, écrit sur un mode poétique, s’accorde parfaitement avec les images délicates aux tons bistres, sépias puis bruns, évoquant les croquis et photos anciennes qui nous restent de cette époque.
La typographie change au fil du récit pour évoquer les interdits faits aux juifs ou pour mettre en valeur les citations du journal d’Anne Frank.
Nous admirons la grande subtilité d’écriture qui mêle harmonieusement le récit actuel du marronnier et le récit passé du journal d’Anne.
Le texte d’une très grande sobriété, économe de mots mais riche de sens, évoque les atrocités de la guerre en laissant des perspectives d’espoir offertes par le renouveau de la nature.

Un regard original et profond, très poignant, qui sans nul doute saura sensibiliser les jeunes générations au devoir de mémoire.

Josuan (8 avril 2009)

06/12/2008

Orage sur le lac | roman d'Ester ROTA GASPERONI

orage sur lac.gifÉd. L'École des loisir, coll. Médium | 1995 | 308 pages - 10,40€

Eva Raffaelli est écolière à Milan. Elle aime bien sa maîtresse, mademoiselle Soratti, et les belles maximes qu'elle fait réciter aux enfants. Eva ne comprend pas pourquoi ses parents ne partagent pas son enthousiasme pour la morale mussolinienne. Son père serait-il l'un des ces «intellectuels antifascistes», insulte suprême dans les cours d'école de l'Italie de la Seconde Guerre mondiale? Eva voudrait pouvoir aimer (et se faire aimer de) tout le monde: son architecte de père, son frère, sa maîtresse, ses camarades, son chien, le beau Guido… Mais son père disparaît subitement et la famille doit fuir la ville, puis partir se réfugier toujours plus loin dans les montagnes. Eva apprendra bientôt le sens du libre-arbitre… et de la discrétion. Elle devra aussi réfréner certains élans de son cœur et faire ses propres choix sans mettre en péril ni sa famille ni ses amis.

À huit ans, Eva découvre la politique à hauteur de pupitre. Au cours des pérégrinations qui composent le récit passionnant de ses années de guerre, la petite fille aura l'occasion de mettre des visages sur les catégories abstraites que sont «les partisans», «les fascistes», «les traîtres». Elle apprendra qu'il existe moult nuances entre le noir et le blanc, nuances que la guerre occulte. Pensées et sentiments contradictoires se bousculent chez l'enfant qui n'en demandait pas tant: le beau et le bien ne sont pas toujours où elle les attend et elle apprend que si des actes indignes sont parfois commis au nom d'une juste cause, nos ennemis peuvent avoir des qualités, ils n'en demeurent pas moins nos ennemis... Récit d'inspiration autobiographique (et premier roman de son auteure, écrit directement en français), Orage sur le lac est une œuvre d'une grande richesse d'évocation psychologique, politique et historique; écrite sur un ton vif (à la première personne), elle peut presque se lire comme un roman d'aventures.

Corinne Chiaradia
(première publication de l'article: septembre 2006)


PS : Ester Rota Gasperoni a poursuivi la biographie d'Eva (et de ses émigrations successives) sur deux volumes :


arbre capulies.gifL'Arbre de Capulies
éd. Actes Sud junior, janvier 2006 - 9,50€
Après la guerre, Eva émigre en Amérique du Sud avec sa famille, là elle découvre le mépris avec lequel les Blancs aisés traitent les Indiens.

année americaine.gifL'Année américaine
éd. L'École des loisirs, coll. Médium,1997 - 8,80€
Nouveau déracinement pour Eva, qui quitte l'Amérique du Sud pour partir étudier à l'université aux États-Unis.

Sur la tête de la chèvre & La Grâce au désert | deux romans d'Aranka SIEGAL

sur tête chèvre.gifTraduction de l'anglais par Tessa Brisac
Sur la tête de la chèvre
Éd. Gallimard jeunesse, coll. Folio junior, [EO 1981] 2003, 336 pages - 7,50€
La Grâce au désert
Éd. Gallimard jeunesse, coll. Folio junior, [E0 1987] 2003, 332 pages
[ÉPUISÉ en mai 09]
À partir de 12 ans

Ces deux romans autobiographiques d'Aranka Siegal sont déjà des classiques de la littérature jeunesse, plusieurs fois réédités depuis leur première parution en 1981 aux États-Unis et en 1987 en France.
L'auteure - née en Hongrie en 1929, déportée à Auschwitz à quatorze ans - a puisé dans sa mémoire pour faire revivre la communauté juive hongroise, sa propre famille et la petite fille qu'elle était alors. Cependant, par pudeur, parce qu'elle est devenue une «autre personne» ou parce que les souvenirs sont lointains et ce monde détruit, la narratrice de l'histoire ne se prénomme pas Aranka mais Piri. Et Piri Davidowitz a dix ans lorsque les troupes hongroises envahissent le village ukrainien de Komjaty où elle est en vacances chez Babi, sa grand-mère. Le lecteur sait dès la première page que la famille Davidowitz est celle de l'auteure, et que la plupart de ses membres (père, mère, enfants…) ne survivront pas à la fin du volume. Cependant Aranka Siegal ne «profite» jamais de cet avantage (connaître la fin de l'histoire) et excelle au contraire à transcrire les événements au travers du regard de la petite Piri, ne nous livrant que ce que l'enfant perçoit et ressent alors. Ce qui rend son récit extrêmement vivant, haletant presque, et tout simplement bouleversant.

grace au desert.gifCes deux volumes forment une «trilogie en creux» avec un troisième, jamais écrit. Ainsi Sur la tête de la chèvre décrit les années de guerre, l'antisémitisme, les humiliations, mais aussi la chaleur familiale et le combat quotidien pour éloigner l'étau qui se resserre sur les juifs hongrois. Il décrit en détails la vie dans le ghetto de Beregszasz, et le «parcage» des juifs dans une briquetterie peu avant leur déportation. Il s'arrête aux portes du train qui les mènera à Auschwitz. La Grâce au désert s'ouvre sur les dernières heures de captivité de Piri et de sa grande sœur Iboya et s'attache aux trois années d'incertitude et d'errances qui les conduiront en Suède et enfin aux États-Unis en 1948. Les camps et leur cortège d'horreur sont très peu évoqués de manière directe, mais pourtant présents dans les séquelles physiques et morales contre lesquelles se débat Piri. L'adolescente, bientôt jeune femme, en parle peu, mais «cela» vit en elle et peut la saisir à tout moment, quand une chanson, un objet, un mot ou seulement une lumière la projettent instantanément dans un autre lieu et un autre temps, bien loin de son exil suédois… L'auteure ne nous dit pas toujours ce que Piri «voit» alors, sa parole est toute en retenue. Au final, Aranka Siegal parvient à transcrire le mélange incroyable d'innocence, de naïveté, puis de lucidité, d'angoisse, de douleurs, d'irrationnel espoir et de désir de vie et d'amour qui la porta au long de ces années terribles.

Corinne Chiaradia
(première publication de l'article: 1er février 2005)

02/12/2008

L’Étoile jaune | album d'Henri SØRENSEN et Carmen Agra DEEDY (ill.)

étoile jaune.jpgÉditions Mijade | 2003 | 11 €
À partir de 9 ans

Le roi du Danemark a-t-il, comme le dit la légende, porté l’étoile jaune en signe de protestation contre la politique des envahisseurs nazis ? A-t-il sauvé ainsi les juifs de son pays, impossibles à reconnaître parmi la population danoise qui, comme son souverain, a arboré l’étoile jaune ? Est-ce important, finalement, que cette histoire soit véridique ? Dans tous les cas, le roi du Danemark a courageusement résisté aux nazis. Le propos du livre est bien plus politique qu’il n’y paraît de prime abord. À travers l’attitude d’un homme exceptionnel, et le soutien de sa population, on comprend que la collaboration n’était pas une fatalité. Cette histoire, celle d’un Juste, n’amoindrit pas l’horreur de la Shoah. Bien au contraire, elle prouve que dans un monde où l’antisémitisme était banal, il n’en était pas moins tout à fait immoral. La résistance était possible, même si elle prenait des formes inattendues. Le récit est servi par de très belles illustrations, à la manière de peintres comme Delvaux. Le travail sur les couleurs est également à signaler : des couleurs sombres et grises quand vient l’envahisseur, la lumière qui revient quand les Danois, solidaires de la minorité juive, portent l’étoile jaune. Un livre d’histoire et d’espoir.

Ariane Tapinos (février 2005)